Ils franchissent les rivières quand les eaux deviennent noires, Des troupeaux nébuleux galopent et s’amoncèlent au fond de l'horizon, Une herse hurle secouée par un fantôme Avec ses furieuses mains de vent et de brume, Ils avancent, courbés par les rafales, A leurs souffles, les lanternes s’éteignent Et les volets claquent des dents, Parfois, d’une lucarne borgne, une ombre les hèle, Leurs lèvres s’ouvrent alors comme une plaie de silence Car leur verbe n’est plus qu’une blessure amère, Puis, ils traversent des ponts déserts où se plaignent En écho les soupirs des amours exilés, Plus loin, rugissent à leur passage Les gargouilles d’une chapelle dépouillée Au son des orgues funèbres Qu’écoute un Dieu mourant.
Une heure s’échappe dans la nuit remuante, Une autre cherche son avenir, Quelques mouettes pétrifiées Crient dans la solitude du ciel, Puis, c’est la mer et ses rives malades, Ses goémons venus de mille ans, Ses cheveux de sable tournoyant, Ses laves d’écume où gronde le néant Et ses coquillages fragiles Qu’ils vont caresser longtemps Tandis que l’orage foudroie les étoiles En chute libre Et qu’un chien aveugle les suit Dans le flux et reflux des années mortes.