Que je mette un masque, que je bande mes yeux Avec ces mains criblées par les dards de la pluie, Que j’appelle mon nom dans les échos venteux, Je me sens assailli, par le doute transi.
Je cherche les traces de mes nuits en cavale Que je n’ai pas vécues car je n’étais pas là. Ce sont ces heures où quelqu’un d’autre est en moi, Un étranger qui vient dans mon miroir ovale.
Dans un tourbillon de feuilles décapitées Par le couperet du temps, ce bourreau sans émoi, Le regard caché par des ombres amassées, Cet autre en moi murmure en imitant ma voix.
« J’arrive de la rive où chutent les étoiles, Où des vaisseaux échouent emmêlés dans leurs voiles, J’arrive de l’abîme où des aveugles pleurent A chercher les lueurs d’un vieux soleil qui meurt .
Je suis cet être nu au fond de ta détresse, Un inconnu couché dans l’antre de ta peur, Celui que tu as fui dans ta prime jeunesse Quand il fallait choisir quel serait ton leurre.
Celui qu’on t’a permis d’être dans l’existence Entre les rais des ans dans leur évanescence, Ce migrant enchaîné aux portes d’une ville Qu’il ne pourra quitter pour parcourir les îles ».
Ses mots se sont perdus dans un silence lourd Comme un amer reproche à celui que je suis, Je le sais maintenant, quels que soient mes détours, Un étranger me suit à chaque fin du jour.