Kysteux, claudiquant, rubescent Comme un canard de barbarie Il s'enfonçait dans le néant D'un troquet de maladrerie Qui sentait les amours fanés, Les rêves vicieux des damnés, Les regards torves des racailles, Le sourire édenté des cailles.
Dehors le lilas rougissait Maté par le soleil de mai, Dehors tant de pas se pressaient Vers le parc au mille baisers.
Il se mit à baragouiner Quelques sentences malmenées Il faisait tant pitié à voir Que chacun claqua un pourboire Et d'aucun se gaussait du pitre L'adoubant prince et autre titre, Mais lui, continuait chevrotant Avec un verbe plus puissant.
Dehors les bleuets balançaient Comme des vagues parfumées Dehors tant de corps s'enlaçaient Avant de partir en fumée.
Le bistrot soudain disparut, Nous étions dans un lieu étrange Familier pourtant inconnu; Au son d'une musique d'ange Nous vîmes soudain sous ses voiles S'avancer une noble étoile C'était la belle Schérazade Venue raconter ses myriades De fabuleuses épopées Ruisselant d'or et de camées.
Dehors le soleil s'éloignait Et la lune en vain le cherchait Dehors tant de pas s'en allaient De ce parc seul, abandonné.
Puis vint l'aveugle des Cyclades, L'unique héro de l'Illiade Suivait la Sybille de Cumes Qui guidait Enée dans les brumes, Diotime de Mantinée Et son éloge de l'amour Nous transporta dans la vallée Où naquit l'éternel retour... Brusquement tout s'évanouit Nous étions tous abasourdis, Dans ce zinc des âmes perdues, Des paltoquets, des malvenues, Nous avions rencontré, vivant, Le vieux conteur de tous les temps.
Dehors, des gerbes de lumière S'épanchaient d'un ciel aurifère, C'était un matin mélodieux Et le parc soupirait, joyeux.