Et la nuit est venue comme un voleur de l'ombre Emporter tes rêves sous sa tunique sombre Vers l'océan obscur ocellé de clous d'or D'où coule le sang noir des anciennes aurores.
Confiés aux galères qui défient la tourmente, L'indomptable siphon des abysses démentes, Tes songes fabuleux aux chants des goélands Voguent tout étourdis vers l'île du Levant.
Ils vont y retrouver les forêts luxuriantes Des arbres enlacés aux moiteurs asphyxiantes Tels des amants fiévreux aux passions immuables Qui ont vaincu du temps son vol inexorable.
Aux cris des singes bleus, gardien des temples morts, Des boas affamés, des inquiétants condors, Des panthères tapies aux pupilles lunaires, Des iguanes sertis de flamboyantes pierres,
Tu avances sans bruit dans l'opaque mangrove Où glissent des caïmans dans la bouillasse fauve En quête des cryptes de la jungle sans âge, Des statues courroucées des déités sauvages.
Tu entends les tambours marteler la cadence Et les orgues puissants accompagner les transes Des chercheurs d'absolu qui hantent le décor Et n'étanchent jamais leur grande soif de l'or.
C'est au bord du volcan que tu trouves enfin, Gravés dans la roche, ces signes sibyllins Que jamais tu n'auras de cesse de comprendre Dans ce monde dément où tout finit en cendre.
Puis, quand la nuit s'achève en heurtant le clocher, Tes rêves s'estompent à travers le plancher, Tu te souviens des mots d'un poète rageur : « La vie n'est pas ici, la vraie vie est ailleurs ».