Assis sur le banc d'un parc public Je regardais une petite fille au doux visage angélique Jouer gaiement sur une balançoire Elle me vit en train de la regarder Et s'arrêta aussitôt de s'amuser Puis elle s'approcha de moi Le faciès triste des enfants battus Se lisait sur son joli visage de poupée Elle me dit alors d'une petite voix de sanglot En me montrant l'objet de son attention (Un petit papillon mort dans le creux de sa main) “La terre se meurt!...” Soudain son père, la voyant me parler La tira méchamment par le bras Et reprit indifférent en ricanant: “Vive la terre qui se meurt!” Je me levais étranger à cette pensée Mais l'esprit tourmenté par cette idée Et je me promenais le coeur lourd Dans les rues en pensant à cette enfant Lorsqu'un oiseau criblé de plomb Tomba du ciel pollué à mes pieds Je le ramassais et à ma grande surprise il me parla : “La terre se meurt!” Et le chasseur qui l'avait tué me l'arrachant des mains Reprit méchamment en le jetant dans son sac : “Vive la terre qui se meurt!...” Au loin dans la mer déchaînée Un navire pétrolier finissait de sombrer Laissant les vagues apporter sa sombre offrande Aux relents de vieille mort sur la plage Et c'est alors que je tournais le dos A cette marée noire qu'un poisson mourant Sur le sable me dit en suffocant : “La terre se meurt!...” Je n'en pouvais plus Je descendais dans la rue des hommes indifférents Et je criais à qui voulait bien m'entendre : “La terre se meurt!... La terre se meurt!...” Mais personne ne m'entendait Personne ne m'écoutait Certains m'évitaient en me dévisageant D'autres me bousculaient en m'insultant D'autres me menaçaient en hurlant que je les gênais D'autres me piétinaient... Lentement je mourrais dans l'indifférence Des hommes indifférents Lorsque le doux visage d'une femme m'apparut Et je lui dis en me tordant de douleur: “La terre se meurt!...” Et elle me répondit en souriant tendrement Et en essuyant mon visage recouvert de sang : “Nous le savons!...” Puis d'un battement de ses ailes Elle me souleva dans le ciel Et m'emporta avec elle Loin de la terre des hommes indifférents.