Ah! Si loin dans le temps Au manoir Juchereau-Duchesnay Un artiste-poète y séjournait… Son nom? Vous vous en souvenez? Mais bien sûr que OUI! HECTOR DE SAINT-DENYS GARNEAU Regards et jeux dans l’espace Dix neuf cent trente-sept L’année même des épousailles de mes parents
Entrons secrètement dans la chambre du poète Petite pièce perdue au premier étage De l’immense manoir en pierres des champs Cachée derrière le grand salon Où sa mère Hermine et son père Paul recevaient Petit âtre où l’enfant-roi se terrait Se taisait car la vaste demeure familiale aux mil tentacules Se resserrait comme une geôle Se ratatinait comme une prison Se refermait comme un cachot Se rapetissait comme un tombeau
Pénétrons discrètement dans l’âme du poète Au-delà des murs du vieux manoir Au-delà de ses barreaux L’artiste s’envole vers le torrent Courant grondeur et rageur de l’Ontaritzi Ombilic entre le lac Saint-Joseph et la Jacques-Cartier En canot sur la rivière et ses îlots À pied dans les champs et forêts Havres de repos et de rêves Regards et jeux dans l’espace pur et l’air frais La liberté et la paix Et sa chère solitude Être seul enfin
(Au poète Hector de Saint-Denys Garneau, décédé le 24 octobre 1943, à l'âge de 31 ans)