Et ta chambre? Et ta maison? Et ton manoir? Et ta mémoire? Et tes mémoires? Qui racontera tes doutes? Tes angoisses? Tes délires? Tes rêves? Ton idéal? Qui racontera ta vie? Tes parents Paul et Hermine reposent près de toi À l’ombre de la grande croix de bronze Au cimetière paroissial « Là que l’on oublie tout; Et là aussi que tout nous oublie » Avais-tu déjà écrit un jour Ton frère Paul et ta soeurette Pauline Nous ont quittés vers d’autres cieux Seul ton frérot Jean tient haut le cap Mais pour combien de temps encore?
Ah! Si loin dans le temps Soixante années se sont écoulées De Saint-Denys Garneau tu nous as quittés Ce vingt-quatre octobre 1943 Je foule tes lieux et sonde tes dieux Je scrute tes jeux et sillonne tes espaces Je regarde partout et encore En dedans et au-dehors du manoir Dans ta chambre et près de la décharge Je te cherche de l’aurore au crépuscule Et je crie à tue-tête Et je hurle à pleins poumons « HECTOR HECTOR HECTOR OÙ TE CACHES-TU DANS TOUT CE DÉCOR? » Est-ce que tu y dors encore? Est-ce que tu y séjournes toujours? De Saint-Denys où te terres-tu donc? Garneau où te caches-tu? Dans la chaufferie ou le séchoir à grains? Le vieux moulin? Dans les abattis au loin? La cabane à sucre ou l’érablière? Les bâtisses environnantes? À l’église ou au presbytère? Dans les bras de paysannes des alentours? POÈTE ENFIN TE VOILÀ! Je t’ai trouvé où? Dans les entrailles du torrent bavard et criard De l’Ontaritzi Et on t’entend car tu ris comme un enfant Ha! Ha! Hi! Hi! Ha! Ha!
(Au poète Hector de Saint-Denys Garneau, décédé le 24 octobre 1943, à l'âge de 31 ans)