Capitaine d’un voilier dessouché de son mât Par des intempéries voraces et féroces Sournoises Le piteux rafiot fonce dans l’estuaire Se perd dans la mer houleuse Le vieux radeau décrépit Coule lentement À pic
Soudain des voix surgissent Au loin d’une île voilée de brouillard Étrange musique qui secoue le capitaine moribond Mi noyé mi mort sur l’épave À demi inconscient à demi vivant Le capitaine ouvre un œil Se gratte les deux oreilles Et se croise les dix doigts
J’entends ce cantique sublime et superbe Je l’entends clairement Haut et fort Moi qui gis inerte sur ce grabat flottant J’entends ce chant doux et mielleux Mil voix de colombes et de rossignols Caressent mes oreilles de leurs ailes soyeuses J’entends ce bruissement musical envoûtant Charmer mon ouïe tout rouillée J’entends la mélopée des sirènes Mil fados résonnent dans ma tête Et je déraisonne sous cette kyrielle de sons Qui sonnent J’entends cette aria petite musique de nuit Musique de chambre Violoncelle et hautbois
Capitaine d’un vaisseau fantôme J’entends clairement l’antienne des sirènes Moi mi-zombie mi-cadavre J’entends leurs voix-sangsues sensuelles Mil cordages mil amarres vers leurs corsages J’accoste sur les rives de l’île enchantée Et me laisse glisser sur le rivage À l’assaut du ravage de leurs baisers Au lasso de leurs étreintes Ô las au carnage de leurs assiduités Je refuse d’ouvrir un œil De me gratter les deux oreilles Et de me croiser les dix doigts J’abandonne totalement ma destinée Aux mains des nymphes musiciennes Aux appâts de leurs charmes
J’entends ce cantique sublime et superbe Le chant des sirènes Haut et fort Hélas! Je n’entends plus ce doux refrain Les battements de mon coeur