Nous étions gamins Et nous jouions à la cache-cache Dans les champs et au bord de la rivière. Puis en retournant à la maison, Nous devions enjamber un ruisselet à une centaine de mètres de notre demeure. C'est là près du ruisseau de mon enfance Que je t'ai donné un bisou sur la joue. Oh bonté divine ! Comme ta joue était douce et lisse ! On aurait dit une fleur de lys ! Et ta bouche sentait encore la menthe sauvage Et les fraises des champs Que nous avions mangées lors de notre escapade. Les fougères comme uniques témoins Et des anémones pour veiller sur nous. Oh que nous étions jeunes et beaux !
J'y ai retourné une soixantaine d'années plus tard. Le ruisseau et les champs autour Avaient disparu pour laisser la place à un développement domiciliaire. La petite route de campagne graveleuse était remplacée par un boulevard asphalté. Le bosquet qui abritait une maisonnette, Notre ultime cachette et repaire secret, Complètement rasé et fauché Pour construire un immense centre d'achats. Était-ce possible que notre coin de paradis Soit devenu ce quartier résidentiel et commercial ? J'entends encore la voix de mon défunt papa : "Mon fils, on n'arrête pas le progrès." Et comme il avait mil fois raison le paternel. Tête basse et songeur, Je suis revenu sur mes pas, égaré dans mes pensées et souvenirs. Comme le temps avait filé. Tout avait changé en l'espace d'un demi-siècle. Pourtant il me semble que c'était hier Que nous étions gamins Et nous jouions à la cache-cache Dans les champs et au bord de la rivière. Et ce premier bisou près du ruisseau de mon enfance... Comment pourrais-je l'oublier Tant il était sublime ? Je ferme les yeux Et je vois ta bouche fruiteuse Déposée sur ma joue ce divin bisou. Tes lèvres goûtaient la menthe sauvage Et les fraises des champs.