Tu t’élèves d’année en année un petit peu plus haut Tu t’approches à petits pas du ciel Du paradis tout bleu avec ses anges et ses houris Tu ressembles au Mont Shasta en Californie du Nord Avec tes cheveux blancs et ta barbe neigeuse Tu redresses fièrement ta prestance Pour y renifler et t’enivrer De tout l’air salin du Pacifique
Tu es ce noble vieillard métamorphosé en montagne Et tu vis en solitaire comme un saint ermite Tu jettes au hasard un coup d’œil compatissant Sur toutes nos petites misères et idioties d’ici-bas Puis, toi, l’octogénaire, tu souris tendrement… «À quoi bon leur dire qu’ils font des bêtises ! Lorsqu’ils auront comme moi les pieds sur les nuages Les mains solidement agrippées aux étoiles Et la tête dans le cœur de Dieu Ils sauront bien que tous leurs petits bobos Et babioles ne sont en rien comparables Aux danses des anges Au brouhaha des galaxies Et au fracas des quasars.»
Après ses mots graves et solennels Le vieil homme sagement se retira dans sa cabane Et se terra en silence Il pleuvait des pétales de roses trémières Et des plumes de roselins pourprés Dans le temple où mon père se recueillait On jouait des airs de luth, de harpe et de clavecin Dans le sanctuaire où mon père séjournait…
(Poème écrit pour les 80 ans de mon père en juin 1992. Il est décédé la veille de Noël 2002 à 90 ans et 6 mois)