Je suis l’aveugle, le penseur ambulant. Ma compagne n’est pas humaine, Elle me conduit sur les plages et sur les plaines, Où j’ignore couleur, forme et tempérament.
Je suis le sourd, le triste enfant De l’amour, le puissant faon Qui arrose le parterre de la cité Et la conscience de l’humanité.
Je suis le muet à la voix inaudible. Dans mon silence paradisiaque, Je dénonce les bondieusards et les maniaques ; Le danger existe seulement pour les lâches crédibles.
Je suis l’aurore du matin. Je marche sur les ondes du destin. Je ne vois pas de mes yeux, Et ne parle pas comme un Dieu.
Je n’entends pas de mes oreilles. Je comprends la beauté des feuilles Et le passage des fleurs du printemps. Je pleure et je rie avec le temps.
Mon monde est obscur et divin. J’entends la symphonie des doigts Des flamants roses sur le clavier Et les cantiques mélodieux des passereaux.
Je vois les anges allongés sous les orangers Et je parle aux morts oubliés au bord du chemin. Etre différent, c’est d’avoir continûment une croix Plantée au dos.
Je suis l’aveugle, Je suis le sourd, Je suis le muet.