Il est six heures du mat Les intellos dorment encore Et leurs fronts pâles au teint mat Ne verront pas l’aurore
Le vent frissonne dans les feuilles Aux caniveaux humides entassées Et déjà une taverne accueille Pour leur première bière quelques paumés
Devant moi le fracas du camion de voirie S’avance clignotant dans le noir J’y vois des silhouettes se mouvoir Glissant furtives sur l’asphalte qui brille Des hommes sans visage et au regard inerte Nourrissant de leurs bras cette gueule entrouverte Et parmi eux s’affaire aussi un garçon blond Malhabile désemparé la mèche au front Trop jeune au fond et l’œil encore alerte Que fait-il égaré à faire ce métier
Sur les pavés usés passent les balayeurs Leurs haleines portant des relents d’eau-de-vie Ils poussent leur chariot avec moins de lenteur Car le trafic bientôt s’enfle et s’intensifie
Cependant aux chantiers des boulevards et des places Les grues se déhanchent squelettes qui se lèvent Sur des sols ravagés abîmes d’où s’élèvent Ces beaux bureaux glacés futures grandes surfaces
Dans l’ombre des rues basses Traînent quelques fêtards attardés couche-tard Titubant étonnés en bordure des trottoirs Cependant que d’amour ou bien de guerre lasse Une fille de la nuit au corsage agressif Se détourne et repart d’un pas vif et lascif
La retrouvant ainsi combien j’aime ma ville A cette heure incertaine cet instant fragile Du petit matin blême Alors que pareille pourtant à tous ceux-là Mon corps recherche encore la chaleur de mes draps Mais que semblable aussi aux autres du dehors Mon cœur soudain bondit de revivre l’aurore Et de prêter la main Au travail de chacun De partir retrouver La vie et l’amitié