Faut-il laisser passer les coups les bleus le ciel d'été celui d'automne les couleurs embrasser le ciel l'embraser l'anthraciter
Faut-il laisser nos pas nus fouler le passé présumer de son jus noir un grand millésime crisser sur le lit de feuilles défuntes le regard éperdu à chercher l'horizon sous la chape de brume armée
Faut-il laisser glisser le temps se griser blanchir n'être plus que de cendre et neige urbaine sale à la fois bruyante et mutique au creux de ce vide hivernal
Faut-il laisser le cœur espérer en païen se convertir en prières et psalmodier d'avant en arrière pour que germent les graines de ton chapelet
Faut-il laisser nos cataractes salées se transformer en clochettes de glace à se faire tintinnabuler les rêves
Faut-il laisser nos chimères emprunter la venelle vers les sous-bois monstrueux par ses sols éteints ses troncs sombres ensemencés de lichens ses fossés de fougères blanchies par le givre et ses mares gelées où même le diable s'emplit de roches la panse et les poches
Faut-il laisser nos rêves parsemer chaque parcelle de temps comme le vent vole l'écume à la mer et la disperse sur le sable rose sous l'ultime sursaut d'un soleil sombrant
Faut-il laisser mes mains commencer à t'aimer pour mieux apprendre à mourir sans bruit sans larmes
Faut-il laisser vaincre la raison cesser de caresser la vie renoncer au sel et au vin au sucre et au rire sur tes lèvres