Gorgé de lumière par le soleil couchant, Ce gouffre béant est partout rougi de sang, Comme une plaie vive ouverte sur notre Terre, Par un terrible géant, ivre de colère.
Seul, à mi pente, un étroit plateau d’herbe grise Dispute au pourpre qui cascade son emprise. Lézards et scorpions, toute une faune interlope, Peuple sans doute l’œuvre folle du cyclope.
Au milieu de l’immensité de roches dures, Mon œil cherche en vain une oasis de verdure, Intrigué je m’avance au bord, pris de frissons, Pour voir au fond de l’abîme quelques buissons.
La rivière est ici, et aussi tout là-bas, Je devine qu’elle serpente tout en bas, Comme si on avait brisé un vieux miroir Puis déposé les fragments sur un grand pochoir.
Mon regard se lève et embrasse l’horizon De ce paysage qui défie la raison, Le ciel encore bleu se charge de nuages Poussés par le vent fort, annonciateur d’orages.
Tout le reste est falaises rouges et abruptes, En haut desquelles les indiens plantaient leur hutte Pour jouir de ce qu’ici la nature a fait, La beauté charnelle d’un méandre parfait.