Le jour, lâche, je fuis sur une vague route. Ou mène-t-elle? Je m'en fiche. Elle sert d'alibi au meurtre de mes doutes. Car je sais bien que je triche. Ce ne peut être moi, qui seul m'accompagne, Traînant en besace, le fardeau des regrets. Une femme me suit qui m'habite et me soigne Quand plie soudain en moi le désir d'être né.
J'aimerai pourtant la perdre, l'ayant déjà perdue. Elle cueille en bouquet, les lambeaux de mon ombre, Le visage caché dans sa crinière sombre, Et tesson par tesson, reconstruit le vécu. Muette, elle ne dit rien, mais lui seul m'accuse, Dévoilant une à une les ruses dont j'abuse. Dans ma longue errance vaine et sans issue, J'en arrive à envier le sort des pendus.
La mémoire encagée peut avoir une mâchoire de hyène, Et sa chaîne brisée, broyer les pensées les plus belles. A l’hallali des sentiments, toi seule reste rebelle, Refusant le dépeçage des années où tu étais mienne. En vain je te chasse, te nie, mais tremblante et solitaire, Ta silhouette noire me piste dans l'abîme qu'est ma vie. Se perdre, c'est encore vivre dans la douleur du sursis. Alors, j'épouse la solitude et apprends à me taire.
