Était-ce encore hier au-delà de ce voile Où s'écoulait mon enfance angoissée Miroitaient mes amours et mes haines, Tourmenté s'en allait le passé?
Était-ce hier, face au ciel où mon âme solitaire S'emplissait des douleurs lointaines Arpentait l'évidence transparente, S'agitait çà et là, dispersant toutes les peines ?
Était-ce, dans ma ville natale où l'enfer familier, Déployé sur ma route, me rongeait les vertèbres Et les vagues écumeuses de la mer du Bosphore Respiraient sagement dépliant les ténèbres?
Était-ce des chemins brefs, des années de mépris, Oppressés dans ces grandes murailles Où ma vie, s'échappait librement ascendant Comme fuit la fumée d'une touraille?
J'ai passé des années de folie, Dévorant une vie tout entière, Dévasté comme Byzance outragé Et n'osant regarder en arrière.
Je porte solitaire, le fardeau D' une histoire silencieuse et auguste D'une Ville asservie par les Turcs De façon très horrible, de façon trop injuste.
Obstiné plein d'esprit et de force, à pas lent, d'une ardeur brûlante, Je m'emplis répétant une prière au bon Dieu, Une prière qui résonne chancelante.
Ainsi surgira du fond des temps, ma patrie, Songe des vents, avalanche du silence, Rêve ultime de mon âme vespérale, Mon Bosphore, la limite du sud-est D'une Europe grande puissance.