La commère
Vous ne la voyez pas, mais elle vous épie,
Au creux de ses rideaux, dans l'ombre d 'un repli,
Elle note les poils gris de votre moustache,
Et les tout nouveaux plis de votre ganache.
Faites vous partie de ses amis très rares ?
Sitôt elle surgit par le plus grand des hasards ;
Doucereuse elle vous encense et vous loue,
S'inquiétant même des raideurs de vos genoux.
Alors elle confirme, que d'après son voisin,
Qui le tiendrait c'est sûr, d'un lointain cousin,
Rose la bigote, veuve dans ses habits neufs,
Consolerait son chagrin dans les bras d'un veuf.
Puis d'un œil malicieux, elle affirme savoir,
Connaître le nom du père, du petit bâtard,
Cet enfant de la honte conçu dans le péché,
Par la fille, de son ennemi le boucher.
Ce marchand de viande quasi avariée,
Qui doit sa fortune à sa matrone aisée,
Héritière cacochyme épousée par profit,
Ronde boursouflée à la peau de fruit confit.
Mais lassé de toutes ses mornes histoires,
Vous faîtes mine de reprendre le crachoir,
Aussitôt elle s'inquiète si vos petits enfants,
Grandissent vite et ont mis toutes leurs dents.
Quand enfin vous échapperez à son étreinte,
Au tout premier venu, avec la mine feinte,
Elle vous attribuera la source de ses ragots,
Et fera de vous son fidèle alter-ego.