Lettre à Elvire
Si de son nom, j'ai perdu l'âcre souvenance,
De son prénom j'ai gardé la suave résonance ;
Où s'est-elle enfuie pour que je ne la revois,
Que dans les ravines de mes tendres émois.
Aube inexprimable du plus ancien souvenir,
Qui vit naître l'amour et les affres du désir,
Poindre dans le coin le plus obscur de mon âme,
Braises qu'un souffle seul, de sa bouche enflamme.
Naïve époque où encore un peu adolescents,
Quasi des adultes en proie aux premiers tourments,
Effleurions du livre de l'amour les premières pages ;
Presqu'ingénument, pourquoi être si sages ?
Où est notre jeunesse ? Qu'est devenu ce fin minois ?
La femme d”aujourd'hui est-elle la fille d'autrefois ?
Peut-être nous sommes nous croisés sans nous voir ?
Si proches nous étions, qui aurait pu le croire.
Nous sommes devenus d'étranges étrangers
Qui se sont tant aimés dans l'immaturité,
Un autre a pris place sur son char d'Hymen,
Une autre a pris place en mon cœur, mon éden.
Tout ces liens solides, que nous avions tissés,
Après tant d'années résistent encore fixés,
Autorisant un rêve fou, se revoir dans ce flou,
Qu'au loin le passé a tissé entre nous...
La vieillesse a sûrement ridé ses plus doux traits,
Moi qui en mon âme ai gravé son pur portrait.
Pourquoi flétrit la beauté jusqu'à devenir ombre ?
Toutes se retrouveront au fond du gouffre sombre.
En son village j'ai cherché sa maison d'enfance,
Je n'ai vu que volets clos où le lierre s'élance,
Paupières de fenêtre d'où elle guettait ma venue,
Juvénile preuve d'amour, à laquelle je n'ai crue.
Vit-elle encore, peut-être veuve, peut-être libre?
Un signe d'elle pour qu’à nouveau mon cœur vibre,
Mais elle ne sait plus mon nom et j'ignore le sien,
Je revois son visage et elle a oublié.... le mien.
