La défense des grands vins
Un ange vint à la tête de mon berceau
Soyez sûr, je ne vous mène pas en bateau,
Il voua ma vie belle aux produits de la treille,
Que je préfère tant déguster en bouteilles.
Mais à cela, il posa une condition,
Je devais, des vins, assurer la tradition
Par la création de formules enchanteresses
Qui devaient, à nos palais, offrir des caresses.
Mais par quels grands vins vais-je donc commencer?
Honorons les grands vins que j’aime, sans grincer.
La rencontre avec un Gevrey est un bonheur.
Tes bouquets réglissés, de cuir, sont enchanteurs.
Le Gevrey Chambertin,
A le boire à dessein,
C’est toujours un festin.
Le Volnay, quand, dans un repas, je te rencontre,
Je ressens l’empreinte d’un baiser qui se montre.
Tes arômes chantent la violette, la cerise,
Et offrent à mon palais une saveur exquise.
Oh toi, mon cher Volnay,
Dans les bras d’une femme, tu renais!
Oh, toi, le Chablis Grand cru, mon cher compagnon,
Tu réconcilies les blancs, gascons et bourguignons.
Tu es tout à la fois acide, gras, vif et sec,
Jamais avec toi, en bien être, il n’y a d’échec.
Si tu bois un très grand Chablis,
A Chablis, tu t’établis!
A mes yeux, le Meursault blanc est ton seul rival,
Pour lui, je prends parti; son rang est bien central.
Tu es un seigneur aux couleurs de bronze ou d’or.
Tes bouquets onctueux et frais sont en plein essor.
Savourez le Meursault,
Vous en serez le héraut!
On dit de lui qu’il est le premier vin du monde,
Qu’il est de garde, que ses fragrances sont fécondes.
Le château Chalon, avec ses arômes de noix,
De noisette, de curry, nous laissent sans voix.
Si tu le dégustes enfin avec un comté,
Très vivifiante sera ton alacrité.
Si tu bois un Château Chalon,
En dégustant un comté,
Plus rien ne peut t’être conté,
Aucun autre vin ne peut compter!
Et toi, mon tendre Gigondas, le magnifique,
Je partage avec toi des émois pacifiques.
Ton rouge aux arômes de fruits cuits et boisés
Enchante mon palais, par toi, apprivoisé.
Le Gigondas, aucun amoureux des vins ne s’en passe!
Et toi, mon cher Muscat de Beaumes-de-Venise,
Dont les divins arômes floraux et fruités
Sèment sur mes papilles la belle brise
D’un amour éternel à la vive acuité.
Un Muscat de Beaumes-de-Venise,
Sa qualité est admise, sa dégustation est requise!
Je crie en chemin mon amour pour les grands vins
Tu crie ton amour, me dit Bacchus, le divin!
Cherche donc à retenir ton cri, mon ami,
Car bien des grands vins, tu as oublié ici!
Et les vins de Gascogne, et les vins de Touraine,
Ne méritent-ils pas quelque formule vaine?
Ils sont vraiment dignes de la noble bouteille
Tout autant que les vins venant de ta corbeille.
Pardonne moi, mais la liste serait très longue;
Je finirais vraiment par en tirer la langue.
Propose encore quelques slogans et je te pardonne!
Je veux te citer les Sauternes que j’affectionne.
Leurs arômes de pêche rôtie, d’abricot
M’invitent à goûter, du Périgord, un foie gras.
Leurs touches florales leur répondent en écho,
En m’invitant à manger des pigeons bien gras.
Une vie sans Sauternes, vous paraîtra bien terne!
Pour ne point froisser nos bons amis tourangeaux,
Je dois avouer mon amour pour le Vouvray.
Pour ce vin très moelleux je lève mon drapeau.
J’aime le boire avec des fromages crémeux et frais.
Boire un Vouvray,
Votre plaisir sera vrai!
En France, tant de grands vins chantent leur fierté
Qui sont tous sur le même pied d’égalité!
Ah, te voilà raisonnable, me dit Bacchus,
Sonnons donc ensemble, de tous les vins, l’angelus.
Un angevin se posa bien sur mon berceau
Mais seulement pour y déposer un cadeau.
0h, ils ont tous bu des grands vins à ma santé,
En étant de ma venue au monde, enchantés.
Mais alors qu’en est-il advenu du bel ange?
Et pourquoi pas vous le proposer en échange?
Oh, j’ai pensé que nous ne perdrions pas au change!
Qu’il soit votre bel ange ou votre démon,
Buvez un grand vin et laissez les sermons!