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Jacques HOSOTTE

Ma nouvelle vie

Adieu, je veux quitter ce pays sans âme,
Où les débats sont régis par l’amalgame,
Où règne vraiment le monde des apparences,
Se vautrant réellement dans l’inconsistance.
La sagesse humaine y est guidée par le sort
Que la raison laisse aller sans beaucoup d’efforts.

Je veux refaire ma vie dans un autre ailleurs,
Sur une terre où l’on espère sans succès,
Où l’on découvre sans crainte, en spectateur,
Les beautés de la nature dans tous ses excès.
Je veux les savourer toutes avec envie
Et me dire : Ah mon Dieu, quelle belle vie!

Où vais-je donc aller pour combler mon bonheur?
Je choisis sans l’ombre d’un doute l’Italie,
Contrée divine où les oliviers, les figuiers
Nous libèrent de tous nos péchés, nos folies,
Pour porter la colombe du beau en notre cœur.
Je veux vivre les ciels féériques, enchantés,
Les voir éclairer mon esprit avec clarté.
Toutes les villes, je veux pouvoir les apprécier :
Florence, Sienne, Pise, Rome, Syracuse.
De leur oubli, je ne veux pas que l’on m’accuse,
Elles sont un grand mystère, un grand soupir à Dieu,
Qui occupent mes tendres pensées en tout lieu.
Je veux pouvoir me baigner dans le lac d’Orta
Et, en ce paradis, y vivre la fiesta.
Mais si mon cœur y est pour partie demeuré,
Il ne peut malheureusement pas y rester,
Alger la belle, la ville de ma naissance,
Appelle tant mes désirs avec insistance.

Ma douce aimée, la ville où je suis née,
Où bien des événements m’ont tant chagriné,
J’aimerais te voir et te revoir, y vivre aussi,
Me libérer dans tes rues de tous mes soucis.
Je veux que ton azur soit sur moi incliné,
Toi qui encense notre Méditerrannée.
Je veux parcourir le beau jardin du Hamma,
Y ouïr la voix intime de l’eau, dans le soir,
Et y découvrir de nouveaux panoramas.
Sur ta colline, tu te laisses apercevoir,
Si blanche, éclatante, en chacune de tes rues,
Où les divers passants chantent des coxigrues,
Palabres intenses d’inepties, de rêve, de raison
Dont de grands chanteurs ont fait de belles chansons :
« Ah quelles sont jolies les filles de mon pays »,
Qui nous invitent à clamer des oaristys.
Mais ce temps n’est plus, du cœur il a disparu,
En une autre belle terre il est apparu.

Languedoc, je t’ai découvert avec ma femme,
Qui de cette terre, telle Aphrodite, est née.
Tu es, tu demeures en moi un songe d’été
Qui m’a fait passer par de bien nombreux programmes,
Aux couleurs, aux intensités si variées.
L’été, l’air embrase de mille feux la plaine,
Et pousse la nature au repos sans haleine.
Le divin soleil nous fait tant désirer l’ombre,
Nous incitant à une vie freinée sans encombre.
La mer qui te borde me ramène à l’enfance,
Source inépuisable de joies en abondance.
J’aime voir les taureaux sur cette terre sacrée,
Figures si altières et monarques consacrés,
Allant et venant dans la garigue apaisante.
Ici et là reposent des vignes en croissance,
Témoignages fossiles de l’activité
De mes chers aïeux vivant de l’autre côté.

Je vous aime terres si proches et si lointaines,
Aux accents mélodieux, aux harmonies humaines.
Vous êtes dans mon cœur mais une ville m’appelle.
Dijon, je suis bonnement injuste avec toi,
Je ne fais que te citer en fin de poème,
Alors que tu as tant et tant semé en moi :
Des espoirs, des émois, des succès, des problèmes,
Qui m’ont fait grandir au milieu de tes façades,
De tes monuments fascinants de toute époque.
Des élans de la beauté, ils sont les ménades.
Vous avez conquis mon âme sans équivoque.
Tu es le lieu de ma « cathédrale enchantée ».
En son sein, la musique m’a pris, m’a conquis.
Toi et la musique, vous êtes mes deux appuis.
Dans le silence, y compris, ton seul nom résonne,
Fait monter en moi le bien être qu’il façonne.

Et je veux bien accepter et vivre ce sort,
Et passer ma vie à faire de nombreux efforts,
Pour vivre dans mon pays parfois agaçant,
Mais aux habitants le plus souvent attachants.

Ami lecteur, la morale de ce poème,
SI vous ne savez pas où vous voulez aller,
Et je vous dis cela sans vous lancer l’anathème,
Vous avez toutes chances d’arriver ailleurs.
Alors, évitez vous n’importe quel ailleurs,
Vivez sur les terres des parents aimés,
Dans votre présent, dans sa vive réalité,
Le tout accompagnés de bonnes bouteilles.
Et que de mon chauvinisme, Kjiji me pardonne,
Les bonnes bouteilles seront bien sûr de Bourgogne.
Vous serez ici et ailleurs. Quelle merveille !