Combien de fois patiemment à cette porte Aurai-je à l’huis frappé Aurai-je en vain souhaité Qu’elle s’ouvre entrebâille à peine de la sorte Que si l’espoir n’est pas l’ultime vanité Un doux parfum d’aurore à mon esprit apporte Le baiser salvateur à ce cœur dépité Ce souffle menant barque à l’île des fins mortes
Tu es venue Je t’ai perdue La porte est close
Bien des chemins j’ai parcouru par vaux par monts Quelquefois je fus l’hôte accueilli à la table Bien souvent les yeux d’ange éveillent les démons Et le moment vécu n’est plus que faible fable Qu’importe le vouloir quand têtus nous sommons La route d’abréger l’infini qui accable
Le fleuve emporte la poussière entre ses bords Qui se laisse emmener vers la mer de silence De désir elle oscille à tribord à bâbord Son impuissance la réduit à cette danse
A quoi sert la mémoire à n’offrir que l’amont Ce qui fut doux et gai en devient exécrable Et frotter de l’espoir ce qui reste au limon Ne rend jamais ni le cœur ni l’amour arable J’envie parfois la lutte acharnée du saumon Début et fin unis en sa geste passable
Tu es venue Je t’ai perdue La porte est close
Je m’alourdis de tout cela qui loin m’emporte J’ai beau avoir vaillance et le nerf excité Nulle oreille n’entend lorsque las je l’exhorte Est-ce pour trépigner que j’aurais existé Les rêves et les mots en infâme cohorte Seront l’inerte faix dont j’aurai hérité Lors que de mon attente tu te réconfortes.