Il arrivait de loin, d’ailleurs, d’îles lointaines, Des antipodes du nord, tout près des terres australes… Et bien qu’il ne fût pas nommé grand capitaine Il avait navigué sans fin sous les étoiles
Et depuis si longtemps qu’il s’était fait la belle A se laisser porter là où voulait le vent, Au fil de ces courants, vers des plages irréelles Il n’avait plus tout à fait la notion du temps
Son bateau délavé était couleur de sel S’étant repu de vagues sur tous les océans, Solide aux sortilèges que délivrait le ciel Ses voiles gonflées, voguant toujours fièrement.
Ce marin sans patrie ignorait les frontières Partout où il allait, il se sentait chez lui C’est d’ailleurs la seule chose dont il était fier : Choisir sa latitude sans connaître l’ennuie.
Il ne craignait pas l’ire des vents capricieux Quand ils bousculent les flots en tempêtes houleuses ! Sa vie ne méritait pas de troubler les Dieux Il n’en attendait rien qu’une existence heureuse.
Baroudeur insatiable, il aimait le soleil Quand les grands oiseaux blancs lui faisaient un cortège ! Mais il aimait la pluie, sous les nuages vermeils Et la mer menthe à l’eau sous paysages de neige.
Comme unique compagne il avait sa guitare Et les flots chahuteurs pour marquer le tempo Dos calé à la poupe, un pied bloquant la barre Il chantait pour le vent et la mer au gros dos
Il ne racontait guère, il parlait peu de lui, Il m’a surtout transmis d’interminables silences Nous marchions sur la grève du côté de Port-Louis Une étoile éclairait la nuit de la Provence
Son visage buriné soudain s’est adouci Il a dit « mon étoile », comme on dit « Je te suis » J’ai compris que demain il serait reparti… En emportant mon rêve de partir avec lui !