Moins terrifiante que celle de la fin des mondes Est l’idée de la mort. Dans un an, dix ans, dix millions d’années Peut-être, surgie de derrière le soleil, Quelle imprévisible comète percutera la terre, Anéantissant toute vie Et tout vivant pour s’en souvenir ? Alors plus un seul grimoire ou palimpseste, Plus le moindre sigle de l’ancienne Égypte Ou de la vieille Chine, les Tables de la Loi Effacées à jamais, l’Apocalypse annoncée Ayant eu enfin raison de son prophète, Plus la moindre trace minérale des splendeurs, Plus le moindre fossile suggérant L’éclatante diversité du vivant, Brûlés tous les livres, brisées Les Vénus de marbre qu’on croyait figées Dans la grâce pour l’éternité, évanouies Dans la nuit sidérale les cathédrales Qui semblaient immortelles, fermés A jamais les yeux noirs des enfants de Renoir, Plus le moindre écho de la moindre musique Entre les galaxies, plus le moindre rire Tintinnabulant entre les planètes mortes… C’est bien cela la fin des fins, Celle que nous pressentons dans notre propre mort Et que nous conjurons dans la jouissance de l’instant, Le bonheur dérobé d’un baiser Ou le rire d’un enfant Entendu derrière un mur, Un soir d’été.