Dussé-je me jouer de tous les bons apôtres, Des saint Jean bouche d'or, des sycophantes Qui clabaudent ou crapotent Dans les coulisses du sentiment, Des saintes huiles et vertus dont nous abreuvent Deux mille ans de messianiques servitudes, Des pistoleros de Dieu et autres gardiens Des tourniquets de la mort, Dussé-je errer pourtant, orphelin de tout, Le souffle court sur des landes criblées de solitudes, Ou en proie au vertige d’exister, Tenir tête au néant, regarder bien en face Le soleil jusqu’à n’y plus rien voir ni savoir Et glisser à la fin dans un trou noir, Dussé-je même ne jamais me réveiller D’un rêve où j’eusse échappé à ma cage d’os, Aux finitudes, aux chairs pourrissantes… Toujours, toujours viendra Du fond de mes nuits sans sommeil, Ecarteler mon cœur de vieil enfant La cruelle petite rengaine des amours blessés, Manqués, perdus dans le passé, La litanie des mots tus Des élans retenus, Des aveux scellés dans le marbre Des impossibles retours.