Oxymores
Ma foi, c'est drôlement triste, tristement drôle.
Comme une rouge cerise sous une averse de grêle,
Comme la rue déserte d'une grise aquarelle
Qu'envahissent soudainement des taches fauves incertaines
(Peu d'abord - une ou deux - plusieurs, puis des centaines),
Qui désormais le peuplent, l'irriguent, lui prêtent vie...
Ma foi, c'est drôlement triste, tristement drôle.
Comme la fleur solitaire d'un égout de Paris,
Un homme loin de sa terre dans l'urbaine tracasserie,
Comme Un singe en hiver, son ambiance douce-amère,
Tout comme un rire qui pleure, une angoisse éphémère
Ou le double tranchant d'un souvenir d'exilé...
Ma foi, c'est drôlement triste, tristement drôle.
Comme Venise asséchée, Las Vegas inondée,
D'aigris nuages qui font d'un matin une veillée,
Le soir d'un jour pluvieux, la clarté d'une pleine lune,
Le sourire d'un ennui, celui de l'infortune,
Comme l'incompréhension d'un cosmos insondable...
Ma foi, c'est drôlement triste, tristement drôle.
Comme la peur de chimères passantes, déraisonnables
Qui peint l'autour-de-soi étrange, méconnaissable,
Transforme les détails en monstres infatigables.
Et l'instant va trop vite ou bien trop lentement,
Et ainsi se dandine ce fleuve un peu serpent...
La vie : c'est drôlement triste, tristement drôle.