Le voyageur sans retour.
Je voudrais, comme ce mort libre et joyeux,
Aller vers elle sans crainte ni remords,
Étalant ma carcasse d'os usés et trop vieux,
Inviter les oiseaux noirs au festin de mon corps.
Mais saurez-vous mes compagnons oublieux,
Amis philosophes viveurs et fringants,
Pousser encore quelques refrains joyeux
Quelques romances et quelques vers chantants ?
Afin que la vieille dame inique,
Sache que c'est sur quelques bons vieux accords,
Que jeune vieillard fêtard et lubrique
Je me présenterais à l'heure de ma mort.
Et bien que sans gloire et sans grande vertu,
Je le jure à la lune, au soleil et au vent,
Comme d'autres se confessent apeurés et vaincus,
Face aux ténèbres, même sans goût du néant,
L'esprit libre, en cheminot maraudeur,
Je m'avancerai comme on sort du rang,
Je m'avancerai sans aucune rancœur,
Heureux de mourir en étant bien vivant.
Je l'enfourcherai comme un vieux destrier
Et dans un rire énorme elle m'emportera,
Un rire immortel à tout jamais gravé,
Mais qui peut dire, s'il sera d'elle ou de moi ?
Tel ce cavalier a l'allure fantomatique,
Promenant sur la foule son sabre flamboyant,
Sans espoir de rencontre d'âmes hypothétiques,
Sans message à laisser au reste des vivants,
Je m'enfoncerai dans l'oubli vide et nu,
Je m'enfoncerai à travers l'espace et le temps,
Ou gisent les spectres de mondes révolus,
Voyageur sans retour, éternel itinérant.