C’était un lilas noir posé sur la mer. Un éclat de verre dans la chair. Et puis la cinglante pluie a balayé la terre. Terre ocre, terre de sang. La mer s’est soulevée dans le fracas de l’ouragan comme un mur elle s’est dressée et nous a opposé sa violence. Les mâts se sont cassés puis ses blessures se sont dispersées. La mer est devenue étale, indifférente même. La terre a de nouveau émergé. Le désert. Élément liquide en absence, torrent vide. Rien n’arrive des hauteurs d'Atacama, l’aridité y est totale. Éléments extrêmes, sans raison, sans finitude, sans projet : le vent s’emmêle à l’eau, l’eau noie la terre, la terre couve le feu, le feu incendie le vent.
Et depuis tout se repose. Les cloches ne battent plus la campagne. C’est la décantation. La décantation du rêve, la décantation des peurs. Le cheval va à l’amble de son pas régulier. Le marin sommeille dans son hamac. A la remontée du fleuve les poissons carnivores. L’étincelle du regard. La tristesse fauve. D'un coup de hache les destins sont tranchés, encore qu’on puisse déposer un recours à la dernière minute sur un parchemin blanc. Mais personne ne se trouve ici dans la taverne du soir, il n’y a plus rien à boire. Un épisode de plus sans fanal. La torche s’est éteinte.
Malgré tout la terre vit, peut-être dort-elle dans la nuit ? Les perroquets se réveillent tous ensemble à la lisière de la forêt, apeurés par le silence. La mer se lit dans une bouteille jetée à elle. Elle c’est la femme de l’amour, celle que l’on ne rencontre que très rarement. Elle était là sur le sable, désemparée. Je l’ai prise avant que la mer ne se soulève, avant le Déluge même, et nous sommes partis à la recherche de coquillages phosphorescents. Ses yeux sont devenus verts.
C’est pourquoi les bambous se perpétuent par leurs racines