Il est peu de chemins de vie Que nous n’ayons foulés ensemble... Pourtant, parfois, un voile semble Nous en faire quitter l’envie...
Le tissu des petits soupirs, Des joies simples de l’existence, Des regrets et des souvenirs Bordés des perles de l’enfance, Ce drap du temps qui nous unit Depuis vingt ans de vie commune, Tantôt s’effiloche et brunit, Tantôt s’ourle au fil de fortune !
Voile à quatre épaules porté ! Traîne élevée par huit mains d’anges ! Les jours passent ! Printemps, été, Pluie de soucis, soleils orange Éclatant de rire au détour ! Larmes séchées d’un geste tendre, Complicité d’un temps d’amour, D’un moment passé à s’attendre !
Viennent les joies, s’enfuient les peines ! La vie n’est que la folle scène Où parfois le voile trop lourd Tombe en rideau ! Tout devient sourd... Pourtant, un tour de manivelle : À nouveau, le bonheur ruisselle !
Parfois, le voile flotte au vent, Porteur du souffle des ébats Auxquels se livrent, en combat, Les désordres des sentiments... Ses plis fous entravent la marche, Les épaules sont égarées ! Renaît le calme ! Et sort de l’arche Un couple de pigeons dorés...
Quand l’automne verra son tour Nous rangerons le drap de vie Pour tisser à fil assagi Celui tranquille des vieux jours.
Il sera plié tendrement Sur l’étagère qui accueille Depuis déjà tantôt vingt ans Ceux sur lesquels on se recueille.
Les doux tissus de nos enfances Auront pris des plis de sagesse : Effaçant ainsi les offenses Le temps abolit la tristesse !
Restent les rires cristallins, Les jeux fous, les secrets sublimes ! Espiègleries, petits câlins, Confidences ! Bonbons volés ! Souvenirs que le cœur anime, Dont tout chagrin s’est envolé !
Les mains d’anges auront forci. Elles rangeront dans l’armoire Le drap d’hiver qu’en raccourci Aura tissé la belle histoire...
Enfouissant alors dans ses plis Les déchirures d’existence Qui se confondront dans l’oubli, Elles tisseront à leur tour Pour ceux qui leur devront naissance Quelques beaux draps en fil d’amour.