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Jean-Claude HERENT

Ô géants, ô lumières


Ô Géants, ô Lumières


J’ai araigné ma muse au ventre des montagnes
Quand le soleil s’enfuit à l’horizon des villes
J’ai parcouru les allées d’ombre quand
La marée bétonne
Aux portes des cités l’azur mort des voiliers
J’ai perruqué des arbres chauves
Avec les fils de ma toile
Lacérant des tableaux aux cimaises du soir
J’ai éclaté ma tête vide sur des murs
D’ignorance
Cherchant aux livres d’or des
Rimes insoumises

Ô géants, ô lumières

J’ai déchiré les mots avec des griffes d’encre
Cachant au crépuscule le vide de mes yeux
J’ai arraché mes mains aux bras gourds de l’hiver
Quand glaçait le magma de mes volcans éteints
J’ai découvert l’amour sur des fusées absentes
Arlequins de la nuit riant aux mausolées
Ö visions ! Ö lueurs ! J’ai embrasé des
Femmes rousses aux lunes d’aphélie :
Les yeux des enfants noirs brillaient
Aux feux follets
Rimbaud vient d’alunir aux rivages d’espace
Des mohicans dansaient autour du bateau ivre
Folie levait la patte, des pyromanes rouges
Allumaient des chandelles aux flèches des églises

Ô géants, ô lumières

J’ai vomi des poèmes aux algues bleu-marine
Des chiennes édentées mangeaient mes goémons
Verlaine se distille dans l’absinthe des marbres
Apollinaire passait sous le pont Mirabeau
Au bras du mal-aimé
Imaginaire délire, j’ai drapé l’océan de
Monstres sanguinaires Maldoror s’est enfui
Du tombeau de Ducasse,
Reviennent les chiens-loups qui psalmodient
Ses chants
Villon m’est apparu, famine sa compagne errait
Au ventre nu des oiseaux de Stymphale
Mallarmé s’est assis sur sa pierre tombale
Des lances d’hérétiques lui traversaient le crâne
Entourée de lémures au banquet de Satan,
Lesbos hurle à la mort :
Baudelaire a disparu. Attablé Trismégiste
Mange ses litanies

Ô géants d’infortune, vos ombres
Scellent les pierres
Aux pieds déboussolés des poètes maudits.