Vos
poèmes

Il faut être bien malheureux
Pour se croire déjà célèbre ;
Mais encore plus valeureux
Pour chasser de soi les ténèbres.

Je suis un écrivain raté :
Je ne prétends pas le contraire.
Mais de cela, pourrai-je extraire -
Y consentant - quelque clarté ?

Et que me restera-t-il donc
Si je ne peux plus exprimer
Mes affres les plus comprimées
Par la poésie, mon seul don ?

Je ne laisserai plus de traces,
Ma parole sera silence,
Déjà qu'elle manque de grâce
Quand malhabile elle s'élance !

Je serai un homme vidé
De sa substance la plus fine
Sans poids, avenir ou idée :
Un coeur cerclé de paraffine.

Et qu'on nomme cela orgueil :
Je ne fais de mal à personne,
Puisque je dois faire le deuil
De vous, voyelles et consonnes !

Et pourtant, que de temps passé
À vos côtés, rimes chantantes
Auprès de qui se confesser
Est un plaisir qui me contente !

Faut-il que je vous abandonne ?
Hélas ! j'ai si peu de talent
Que tous les sens que je vous donne
Ont chacun leur équivalent.

Je vous aime, mes chers enfants !
Pardonnez-moi de me soustraire
À votre vue pour quelque temps,
Je le crains, moi qui dois me taire.

Ultime sursaut d'amour-propre ?
Si ça leur chante : pourquoi pas ?
Mais face à ces jeteurs d'opprobre,
Je n'ai que mes mots comme appâts -

Et ça, c'est sûrement plus probe
Et plus profond, et plus sympa ;
En un mot commençant : plus sobre
Que tout ce qui hurle et n'est pas.

10 novembre 1999 et 23 novembre 2006