Bien avant que le père du père de Lucy songe à se redresser, Dans le bush africain l'empreinte de ses pas.
Du fond des millénaires Ils sont de leurs pays L'ampleur et la sagesse.
Le soleil de midi qui efface les ombres Ne les atteint même pas. Sous sa lumière jaune ils aiment se noyer Dans des bals de poussière entre vertige et transparence. Leur peau de parchemin s'imprime à jamais De la couleur du sol. Qu'elle soit blanche ou rouge, La terre où ils sont nés les aime et les protège.
Leur vie est un parcours écrit dans leur mémoire, Il remonte aux anciens qu'ils retrouvent parfois : Cavernes d'os blanchis que le temps n'atteint plus, effleu
La matriarche ; mère et grand-mère du clan, durant sa longue Les conduira.
Puis un jour posera son empreinte affaiblie, Et son œil ne pouvant plus regarder demain Elle se tournera vers une de ses sœurs : Transmettra son pouvoir l'espace d'un regard Dans la nuit africaine bruissante de murmures.
Aux premières lueurs – sortilèges enfuis – Il ne restera plus qu'un guide écroulé, Et les petits inquiets, d'une trompe timide Voudront la réveiller. Conscients du voyage sans bornes où songe désormais Le pilier de leur vie, les autres hésiteront longtemps. Ils n'auront pas de larmes mais de leur corps immense – tristesse et désarroi – semblera s'évader Une aura de terreur face au vide insondable.
Soudain l'élue d'hier choisira une route, Entrainant à sa suite la troupe ébranlée, Elle saura trouver le point d'eau, l'herbe verte, Les baobabs juteux que la défense perce Et les arbres feuillus que le front couchera.
Le deuil déjà inscrit au cœur de sa mémoire Comme une pierre blanche, Marquera le début de son autorité. Le clan l'approuvera en suivant l'immuable parcours Des éléphants d'Afrique.
Leur force est un silence de longues réflexions. Pouvoir les approcher ébranle nos savoirs, Réduit nos certitudes à de pâles idées... Quand le dernier géant ira se suicider dans le pan d'Etosha Les peuples pleureront.
Et le royaume ira, vacillant, traînant son désespoir...