Je les semais déjà depuis un certain temps Sans m’en apercevoir. Elles tombaient une à une, de l’été au printemps. Selon leur bon vouloir. Elles jonchaient ce sol sur lequel je marchais, Où j’aimais m’arrêter. Au bord de ce ruisseau, je regardais penché L’eau qui les emportait. Ces feuilles griffonnées racontent des histoires, Des drames ou des amours, Des secrets, des messages, des bribes de mémoire, Des contes de toujours. Je les vois raturées, glissant au fil de l’eau Un peu comme des bagages Que je portais en moi, véritable fardeau Depuis le plus jeune âge. Mais saurai-je un jour pourquoi elles me libèrent En tombant maintenant ? Après m’avoir vidé de mes joies, mes colères Et parfois mes tourments. Enfin il y aura celles qui me soulageront En s’abandonnant là, Comme un mal arraché elles ne rongeront Que les traces de mes pas. Je les regarderai par-dessus mon épaule Un peu vide mais guéri Et je continuerai à semer comme un rôle Que j’aurais bien appris. Et puis viendra le jour ou je n’aurai plus rien A laisser derrière moi. Quand ma source tarie aura rompu le lien Pour continuer ma voie. S’installera l’attente… l’insondable mystère… L’ultime liberté… Et mes feuilles d’automne pourriront en hiver. Inutile de lutter.