Beauté
Tu rêves de m’avoir sous les yeux nuit et jour,
Tu me cherches partout, dans le pli d’un visage,
Dans la brume, ou la brise, ou le ruisseau qui court,
Dans le chant du rameur, sa barque et son sillage.
Et quelquefois si pur te semble ton émoi,
Que ton cœur est tendu d’espoir, que ta main tremble
Et voudrait me saisir ; pourtant, ce n’est pas moi,
Mais c’est uniquement quelqu’un qui me ressemble.
Quelqu’un dont le regard plus clair et plus profond,
Dont les cheveux plus fins, la grâce juvénile,
Le charme passager, la vertu, se défont
En ne laissant plus rien qu’une trace fragile.
Ce n’est qu’un bout de toile où, parmi les couleurs,
Des doigts auront tenté de fixer l’aventure
Du soleil dans un lac, du rire dans des pleurs,
Et, d’un pays changeant, la secrète nature.
Ce n’est qu’un bloc de marbre ou de bois ou d’airain
Dans lequel tous les yeux demeurent des problèmes,
Qu’un portail de palais qui, sous le ciel serein,
N’est jamais aussi pur qu’en les dessins eux-mêmes.
Ce n’est qu’une parole, une note, un seul pas
D’un être dont la peine avec ton désir danse ;
Mais moi, sois-en bien sûr, tu ne me prendras pas :
Je ne suis rien qu’un rêve, un soupir, un silence.