Canicule ( Première partie )
I.
Dans la ville du roi, le temps s’est arrêté.
Des forêts alentours forment frontière.
L’écho du siècle et la modernité
En contournent l’îlot, hors les barrières.
Dans la rue du Châtel, on déambule en vain.
Les pavés désuets sonnent en cadence
Sous le pas désoeuvré de bourgeois trop mondains.
Ils hantent l’Histoire, rêvent en prudence
De jadis glorieux et maudissent le jour
Où le glas du déclin leur déroba leur tour.
Il reste un cheval, un antique cocher,
Son clopin, son clopan, et quelques touristes
Aux cheveux grisonnants pour traquer aux clochers
L’odeur de l’ancien, de l’amer, du triste.
II.
Cette capitale, au cœur en thrombose,
Déploie ses artères à l’ombre de hauts murs.
Aux venelles sombres, palies de chlorose,
Pourrit le dédale de leurs fruits trop mûrs.
Un vieux notaire, échappé de Balzac,
Trottine en crabe. Courtois, il s’efface
Pour laisser le trottoir à une tortue à sac,
Dont les ans ont creusé des plis sur la face.
Cette rombière, pendue à la branche
De généalogies aux parois étanches,
Promène tous les jours, même le Jeudi Saint,
Son fantôme menu depuis le boucher
Jusques au boulanger, pour fuir l’assassin.
L’Ennui la ronge, du lever au coucher.
III.
Au salon en velours est pendu le portrait
D’un fils, cavalier. Tic tac des pendules
Qui plombe le secret et allonge le trait
De ses journées sans fin aux peurs minuscules.
L’automne sera là. Le clan est réuni,
Depuis Manhattan jusqu’au bout de la rue.
Elle sortira pour eux les almanachs jaunis
Des aïeux généraux à la face bourrue.
Sur les parquets lustrés, les bottes claqueront.
C’est si beau, n’est ce pas, les bruits d’éperon ?
La sainte famille, parée de noblesse,
Tout en procession, au retour de chasse,
Ira s’agenouiller entendre la messe.
Les rites demeurent. Les régimes passent.