L’écharpe des mots exalte un instant La couleur des sons. Ils ont la saveur De ces fruits mûrs d’un si bref printemps Qu’à peine tracés, on sent la pâleur De l’encre séchée. Le ton du lecteur Scande leur rythme au flot intime D’un souffle secret, leur sang infime Aux veines fines d’un trés fin velin Qu’un bout de pointe d’un trait abîme. La ballade va de son pas félin.
D’un seul silence, le monde s’entend. La virgule impose la lenteur, Le point d’un coup en suspend le temps Retenu au bord d’un accent rêveur, Parfois plein de joie, parfois de malheur. Le marcheur laisse venir les rimes Qu’en rondes liées sa main anime En bout de plume, et s’il est malin Sur leurs ailes, il gravit les cimes. La ballade va de son pas félin.
Aucune ligne, aucun coeur qui ment Ne peuvent ternir les accords majeurs Des textes fermés au sceau des serments. Nulle vanité, aucune rancoeur N’en voleront le prix, ni la valeur. Le marcheur surplombe les abîmes Des mémoires vides et sublimes, Et quand lassé, il prend un ton câlin, C’est à l’octroi pour payer sa dîme. La ballade va de son pas félin.
Et si chaque lecteur y arrime Toute son envie, celle ultime De cette vie qui le rend orphelin, Le voyage valait qu’on l’imprime. La ballade va de son pas félin.