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Jean L INFONTE

Le grand soir ( Deuxième Partie )

V.
Une telle mère se doit d’avoir fille.
La pâle Virginie s’est découverte tôt
La passion folle du cuir qui brille
Et des doux fumiers où grandit l’asticot.
Elle saute matin quand le petit jour point
Du lit à la stalle pour donner son aide
Aux serviteurs zélés. Au chaud dans le foin
Elle apprend de la vie le plus doux remède.
Raymond s’est entiché de sa peau de velours.
Lui le grand prudent à prudence est sourd.
Il se dit souriant qu’Amour est revanche
Quand il jette parfois dans la gueule du loup
Les agneaux du maître, parfois son oie blanche.
A la morale fric, les principes du flou.

VI.
Mais non, me direz-vous, cette fable bête
N’est plus du goût du jour. Elle est d’un autre temps.
Raymond et ses maîtres, tout est obsolète.
A rimer pour rien, on oublie le Printemps.
Je ne suis pas sûr. Voyez vous, je crains
Ces vers trop éternels pour n’être aujourd’hui
Comme jadis hier de vérité empreints.
L’argent et sa cohorte, toujours reproduits,
Trimballent les échos de ces turpitudes.
Jockey de métier, las d’incertitudes,
Vous connaissez Raymond, l’ouvrier ménager.
Il pointait en chômeur quand par très grand hasard
Il croisa le chemin d’une dame âgée.
Et seul maintenant il suit son corbillard.

VII.
Je crois avoir conté la fin de la dame
Dans un autre texte, d’un mot Canicule
Qui est le titre de ce moderne drame,
Puisqu’ ainsi la misère s’intitule.
Remplacez le jockey, remplacez le cheval,
Oubliez le sujet pour lire la fable.
La science aux uns, mais pour le capital
Le partage n’est jamais vraiment équitable.
Il serait vain pourtant d’y chercher morale.
Ce n’est pas un grand cri, à peine un râle.
Vous connaissez Raymond, le palefrenier,
L’homme de métier sans talent que l’espoir.
Ils sont des légions et pourquoi le nier
Ils aiment à rêver qu’existe un grand soir.