Il existe vraiment une alchimie extraordinaire Entre l’encre sur le papier et les mots répétés Par lesquels notre mémoire demande de faire Un effort d’écriture qui s’inscrit dans l’éternité.
Ceux qui partent au loin sur des navires Et exercent leur métier sur les grandes eaux Ignorent à quel point leur fragile avenir Peut, du Sort, s’arrêter au moindre défaut.
Certains célèbrent le Seigneur dans leur fidélité. D’autres choisissent sans doute par paresse Pour quelque miracle de faveurs espérées D’invoquer les Cieux au jour de leur détresse.
Deux jeunes sont morts en service commandé. Leur régiment avait dit qu’ils tenaient le glaive. Dans un pays lointain où la vie les a abandonnés Leur sang s’est répandu comme dans un rêve.
Ceux qui les commandaient sont là, vivants. La cour des Invalides voit alors se dérouler Sous le ciel de Paris, en ce jour très clément, Une belle cérémonie empreinte de solennité.
Un Ange passe lentement parmi les spectateurs. La sonnerie aux morts retentit alors un moment. Personne ne le voit, Sa Présence est dans l’Heure. Tous retiennent leur respiration l’espace d’un instant.
L’émotion est là. Les Fils de l’Homme étrangers au Divin Ecoutent la musique qui prend aux tripes, au-delà des mots, Et ils se figent alors dans un respect total qui les étreint. Le clairon sonne quand les mots manquent pour dire le flot
D’émotion qui envahit l’assistance. Celle-ci fait face aux deux Cercueils couverts d’un drapeau où les corps sans vie reposent. La chair qui fut un jour rose et vivante est là, inerte. Au mieux Seuls les os perdureront. Leur squelette sera la trace d’une chose
Autrefois vivante, disparue. Pour les familles la souffrance Reste. De tous les mots que l’on peut citer en la circonstance, Un événement très important est oublié : ils étaient la France, Mais leur mort entraîne la disparition de leur descendance !
Ils pouvaient comme tant d’autres jeunes hommes se marier, Avoir des enfants, qui un jour également seraient devenus Pères de famille. Leur descendance est réduite à néant ; nier La chose est stupide. Le fait n’est pas cité. Le rituel obtus
Et très officiel occulte la réalité profondément humaine. La pratique de la guerre est une activité bien étrange Dans laquelle des édiles sérieux, ventripotents, mènent A la mort des jeunes hommes de vingt ans. « Mange
Ce que je vais te donner, dit Yahwéh » dans le rouleau D’Ezéchiel dans la Bible : «Une main était tendue vers moi Dans le Livre enroulé. A la fois simple et vraiment beau Il était écrit des deux côtés. C’étaient des plaintes, ma foi,
Des gémissements, des cris». Au moment où j’écris Ces mots le soleil se couche dans un ruissellement De lumières jaunes et rouges. Alors tombe la nuit. La Gloire est le soleil des soldats morts au firmament.
Jean émile moyne Escrivassier de la Boissière de Rosny, Vendredi 10 mai 2019