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jean lemoine

Echo et Narcisse (D’après les Métamorphoses d’Ovide)



Zeus était chaque jour de nature toujours volage
Et courait frénétiquement après les filles de son âge.
Héra, son épouse et sa sœur, voulait surprendre
Les belles nymphes courtisées pour les prendre

Sur le fait. Mais Echo, très bavarde, dans
De longs discours retenait Héra un temps.
La nymphe à chaque fois, quittant radieuse
Les bras de Zeus, s’enfuyait ! Héra furieuse

Arrivait toujours bien trop tard. Un jour ce supplice
Prit fin. La fille de Cronos cherchait la complice
De Zeus. Quel était celui, ou celle, dont les ruses
Permettait ainsi de la tromper ? Etait-ce une Muse ?

Ou bien quelque rivale inconnue surgie de la mer
Qui lui rendait bien souvent la vie fort amère ?
Héra, peut-être par son père Cronos informée,
A force d’enquête découvrit finalement la vérité.

Cédant à l’invective, Héra dit à Echo : « Ton pouvoir
Par ma volonté va disparaître, ton langage va déchoir.
Tu iras, seule, désormais parcourir le Monde entier.
Ta voix ne pourra jamais parler la première. Réciter

Ce qui parvient à ton oreille dans les montagnes isolées
Sera la punition que je t’inflige, même pour l’Eternité ».
Echo devint pour toujours celle qui, ne pouvant se taire,
Vagabondait tristement, toute seule, sur toute la Terre.

Fils d’un Dieu, d’une Nymphe, Narcisse apparut. Sa face
Et sa beauté enflammèrent le cœur d’Echo. Et sa race
Etait digne de la sienne. Echo fut vite saisie d’un fol
Amour. Narcisse sentit une présence, et d’une parole

Il s’enquit : «Y a-t-il donc quelqu’un près de moi ? »
Echo désormais tremblante lui répondit : « De Moi ?»
Narcisse hésita. La Nymphe était très belle, et puis son
Attitude présageait d’un avenir plein de conversations.

Mais l’être mystérieux était une folle créature, une soeur
Etrange sortie des bois, plagiant à l’envi son interlocuteur.
Narcisse déçu s’enfuit en criant : «Je préfère de suite mourir
Que de m’abandonner céans à tes embrassements et désirs».

Echo, rejetée, cacha sa honte dans les monts solitaires.
Son amour cria vers le Ciel. Pour toute réponse la Terre
L’épuisa, la consuma, et ses os inutiles devinrent un rocher.
Ainsi est-elle devenue celle qui est morte de n’avoir aimé.

D’autres Nymphes, dédaignées par Narcisse, crièrent au Ciel.
Némésis, attentive, écouta. Elle exauça la vengeance de celles
Qui au final exigèrent : «Puisse-t-il désormais aimer à son tour
Et de ses vaines avances ne jamais être aimé ni payé de retour » !

Une fontaine limpide déversait au fil des jours ses flots argentés.
Elle était ignorée des Mortels qui ne venaient jamais s’y désaltérer.
Narcisse marchant seul, guidé par le hasard, vint à s’y reposer.
Il était par la chasse et la chaleur du jour totalement épuisé.

Il se pencha soudain vers l’onde si calme pour étancher sa soif.
Mais son âme fit naître, envahissante et dévorante, une soif
Supérieure. En extase devant lui-même parmi les roseaux
Il demeura le visage immobile, telle une statue dont le berceau

De marbre de Paros reste inanimé. Il était donc à la fois l’amant
Et l’objet tant aimé ! Prisonnier des halliers sous le firmament,
Il admire les charmes qui le font admirer… Il brûle, tel un insensé,
D’amour pour lui-même. Ses traits, il les veut encor contempler !

Il s’éteindra à la fleur de l’âge. La mort n’a rien d’affreux pour lui.
Fondu dans son image chirale, il sait qu’en mourant une seule vie
Est perdue. C’est pour trop posséder qu’il ne possèdera plus rien.
Le feu secret habitant son âme l’éloigne à tout jamais des Terriens.

Narcisse fut aimé sans aimer, il a aimé sans être aimé.
De l’amour impossible naît le châtiment. Il restera séparé
De son beau corps fabuleux par une Némésis impitoyable.
De là vient que l’Histoire nous est contée dans une fable,

Et que les promeneurs d’aujourd’hui voient une belle fleur
Eclore à la lumière bienfaisante de l’Eternel Créateur,
Sans savoir -Mortels qu’ils sont pour l’Eternité- qu’il existe
Un Narcisse hébété, errant aux enfers dans les eaux du Styx.



Jehanesémile moyne escrivassier de la Boissière de Rosny