J’aime profondément ce mot « la nuit des temps ». A priori clair, il reste mystérieux ; en réalité il ment. Chargé d’une ombre impalpable il précède nos pas. Les animaux de la Création ne doutent pas. Mais l’homme sage doute, et reste dorénavant Ferme, accroché à sa prudence. Seul un imprudent Pourrait, dans sa folie, tenter de s’en écarter. Ce serait s’égarer et l’esprit en serait blessé. Qui donc peut vraiment dire l’avenir ? En se basant sur le passé, qui peut prédire Ce qui échappe à l’homme de tout temps ? L’anti-matière existe et empêche tout voyage dans le temps. Cette découverte récente, majeure, inconnue du grand public, Ne passionne pourtant pas les foules. Modestes ou bien chics Des bipèdes transitoires arpentent le sol de la Terre Comme si leur vie pouvait être autre chose qu’éphémère. Le poète, l’artiste, le philosophe, sont là pour leur rappeler Que ce qu’ils ignorent est définitivement celé Par le Créateur de l’Univers. Et comme le dit si bien Le texte sacré « ils sont Abel, i.e. une vapeur ». Un petit rien, Qu’un événement, un accident, va finalement faire disparaître. Ils céderont peu à peu leur place à d’autres maîtres. Leurs joies et leurs souffrances seront par le Temps englouties A tout jamais dans le ballet des étoiles et des galaxies. Rien de ce qu’ils ont désiré, aimé ou haï ne subsistera. Le cours de l’Histoire, impitoyable, inhumain, continuera Sans eux. L’Ange avait dit à l’Adam : « compte les étoiles, Si tu peux les compter »… Mais dans la nuit aux mille voiles Les étoiles meurent aussi… car en fait rien n’est immortel, Pas plus que cette Terre trop promise où coulait le lait et le miel.
Jehan Esmile Moyne Escrivassier de la Boissière de Rosny, à Tricot (Oise),