Ils n’ont plus d’espoir de retour Leurs yeux sont des bougies éteintes Ils vibrent en quelques au secours Pour des silences, sans étreinte. L’horizon s’offre en barbelés A leur corps bleui d’engelures Sous une âme trop mutilée Dans son dédale de fractures
Ils portent tout autour du cou Au bout d’une chaîne, une croix Serrée un peu comme un licou Sur leur chemin de désarroi. Enlisés au cœur des ornières Ils entrevoyaient des jardins Sous le volet de la paupière Où priaient veuve et orphelin.
Ils ont attaqué maintes fois Sous le déluge et la mitraille Et se sont demandés pourquoi La terre avait bu leurs entrailles Ils pleuraient sous la pluie Le cœur empli de terre Et tombaient sans un cri A force de se taire.
Et tous ces acharnés Pourvoyeurs de massacre Parcouraient les travées Guettant les simulacres Imbu d’ignobles certitudes L’officier en ses logorrhées Exhortait son inaptitude, De cris empruntés au goret
Leur nom effacé sans quota Leur voix celée sous le bâillon Ils glissaient de leur Golgotha Et périssaient par bataillons. Le sang versé sur l’échiquier Coulait vermeil sur chaque case Au cour officiel, pas d’inquiets L’argus s’y négociait d’occase.
Au son du clairon tricolore S’ouvrit un champ de ruines Où la peur côtoyait la mort Dans une forte odeur d’urine, Que pisse la mémoire, Sur des journées trop noires
Par milliers, ces visages inertes Sont un miroir de la mémoire Sont-ils partis en pure perte Dans les nausées de notre histoire ? Ils ont engeôlé la colombe Derrière des grilles de fer Et sous le poids de l’hécatombe Geint la Chimère.