Le souffle du désert étale une odeur âcre, La gare qui suffoque attend un dénouement Le colt bat leur côté, et sa crosse de nacre Soupèse avec froideur l’ultime engagement Un étranger descend à l’autre bout du quai Un air d’harmonica vient narguer le silence L’un des pistoleros régurgite un hoquet Le voyageur parvient au but de son errance Dans le puissant écho de trois détonations Leur corps s’est effondré au lit de la poussière L’homme n’eut en partant pas la moindre émotion Il enjamba sans bruit les trois cache-poussière. La froideur de l’acier orne son regard bleu Cela fait si longtemps qu’il porte ce collier, Il n’oubliera jamais ces regards crapuleux L’horrible cauchemar, quand il a vacillé… …Elle avait brûlé les remords Des pages bleues adolescentes Sur une scène sans décors Où l’envie jouait les absentes. Elle a usé ses beaux yeux noirs Au lustre clinquant des saloons Nicotiné des cauchemars Aux volutes bleues du blue moon Elle a tiré un trait, sur sa vie solitaire Pour un fier irlandais à l’âme hospitalière Mais son destin brisé à coup de révolver S’évanouit, au creux béant d’un cimetière. Les sentiments relient la souffrance commune La cruauté meurtrit et l’homme déraisonne Quand la haine l’épuise aux vivaces rancunes Le soleil se fait lourd sous le ciel de Flagstone Il s’est étalonné aux ardeurs de Cheyenne A mesuré l’oubli de son pire ennemi Puis, a vu remonter du fond de sa géhenne, Les stigmates gravées au fronton d’infamie Il revoit sans répit le rictus obsédant De ce tueur glacé, insensible bourreau Forçant l’harmonica entre ses jeunes dents Qui partit en gueulant, « joue un air au frèrot !» Il a vu tournoyer sous cette arche de pierre En guise de gibet, la vie de son grand frère Il a fléchi les jambes et mordit la poussière Et sent toujours le sel de ses larmes amères Quand il vit arriver sur un noir destrier Celui qui trop longtemps hanta l’Arizona Il plia son couteau, avec un regard quiet A son poitrail pendait un vieil harmonica Il pouvait voir brûler en cet œil adversaire Un suppôt de Satan aux portes de l’enfer Quand la déflagration s’amplifia au désert Sa vie recommença… il pensa à son frère. Le rasoir de Cheyenne a lézardé sa joue Les yeux noirs de la belle se sont évaporés Puis quand il dit je pars ! Il ferma le verrou De ce cœur éloigné des parfums espérés. Toi qui porte le deuil des westerns de Leone Arrimé au printemps de ce mai soixante huit Entends-tu au beffroi, l’hommage à Morricone Ce tocsin du brio absent de l’aujourd’hui ?