Au trottoir délavé, où flânait un ado Un tapin s’évertue aux rues du vieux Bordeaux, Où foulant à ses pieds ses bourgeons d’idéaux, Elle fuit au labyrinthe d’un faux eldorado.
Tu arpentais jadis, la rue Porte Dijeaux, Tes rondeurs incurvaient jupe et chemisier Et tes jambes galbées sous des bas résillés Arboraient les atours d’une Manon Lescaut.
Encore sous le joug de la timidité J’ai subi cent tourments avant de t’aborder D’emprunter l’escalier au rêve échafaudé Menant au premier pas de ma virilité.
Brune vénus d’un jour, tombée d’un souvenir, Tu vendais tes vingt ans sous les portes cochères Des falots du vieux port, aux blafards réverbères J’ai ébauché en toi mon tout premier désir.
Femme, tu as gonflé les eaux du fleuve envie Dévastant mes bastions comme prime grisette Mon baptême d’amour s’est fait à la sauvette Belle et tendre préface aux pages inassouvies.
Ton lit, frêle bouée des ombres de passage Joue en tes draps froissés un blues inachevé, Fée tu n’as pas penché ton front à son chevet Ni chassé Carabosse des plis de son corsage.
Egarée sous le ciel de ta cour des Miracles, Ton étreinte de feu prône l’ambivalence Sur ton chemin jonché d’autant de mésalliances Se cache sans secret ton soyeux tabernacle.
Le noir n’endeuille pas tes dessous mousseline, Il imprègne ta peau de senteurs plus félines, Quand crissent en se croisant tes cuisses libertines, Sous la douceur feutrée d’un jupon crinoline.
Tu écris tes amours sans lettre majuscule, Et tes rêves enfouis ouvrent une porte close, Ton corps a trop subi ses salves en overdose, S’offrant au blanc venin que les sexes éjaculent.
Tombant du sac à mains tant d’années de jeunesse Ton rêve adolescent s’est lentement voilé, Et quand l’homme a sur toi étendu ses filets Ta vie s’est fissurée comme un fard de kermesse.
L’amour, ce jeu furtif que tu mimes sans cesse, Puisse-t-il faire halte en cette forteresse, Erigée en ton cœur par manque de tendresse En asséchant le lit où coule ta détresse.