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Jean Louis BESSIERE

Ondine girondine

Au trottoir délavé, où flânait un ado
Un tapin s’évertue aux rues du vieux Bordeaux,
Où foulant à ses pieds ses bourgeons d’idéaux,
Elle fuit au labyrinthe d’un faux eldorado.

Tu arpentais jadis, la rue Porte Dijeaux,
Tes rondeurs incurvaient jupe et chemisier
Et tes jambes galbées sous des bas résillés
Arboraient les atours d’une Manon Lescaut.

Encore sous le joug de la timidité
J’ai subi cent tourments avant de t’aborder
D’emprunter l’escalier au rêve échafaudé
Menant au premier pas de ma virilité.

Brune vénus d’un jour, tombée d’un souvenir,
Tu vendais tes vingt ans sous les portes cochères
Des falots du vieux port, aux blafards réverbères
J’ai ébauché en toi mon tout premier désir.

Femme, tu as gonflé les eaux du fleuve envie
Dévastant mes bastions comme prime grisette
Mon baptême d’amour s’est fait à la sauvette
Belle et tendre préface aux pages inassouvies.

Ton lit, frêle bouée des ombres de passage
Joue en tes draps froissés un blues inachevé,
Fée tu n’as pas penché ton front à son chevet
Ni chassé Carabosse des plis de son corsage.

Egarée sous le ciel de ta cour des Miracles,
Ton étreinte de feu prône l’ambivalence
Sur ton chemin jonché d’autant de mésalliances
Se cache sans secret ton soyeux tabernacle.

Le noir n’endeuille pas tes dessous mousseline,
Il imprègne ta peau de senteurs plus félines,
Quand crissent en se croisant tes cuisses libertines,
Sous la douceur feutrée d’un jupon crinoline.

Tu écris tes amours sans lettre majuscule,
Et tes rêves enfouis ouvrent une porte close,
Ton corps a trop subi ses salves en overdose,
S’offrant au blanc venin que les sexes éjaculent.

Tombant du sac à mains tant d’années de jeunesse
Ton rêve adolescent s’est lentement voilé,
Et quand l’homme a sur toi étendu ses filets
Ta vie s’est fissurée comme un fard de kermesse.

L’amour, ce jeu furtif que tu mimes sans cesse,
Puisse-t-il faire halte en cette forteresse,
Erigée en ton cœur par manque de tendresse
En asséchant le lit où coule ta détresse.