C'était hier la conférence des huîtres Ces dames réunies tenaient leur chapitre Aucune d'entre elles n'aurait fait le pitre Quand le président se coiffa de la mitre Insigne vénéré chez les ostréidés Souvenir ancien d'une grande victoire De haute lutte acquise sur les mitridés Fusiformes gastéropodes notoires A jamais dominés dans tous les océans Par les huîtres plates ou creuses des courants
Grande réunion du gratin des profondeurs Sur le sel des courants marins et ses aigreurs L'excès de consommation l'abus d'eaux douces Par de nouvelles colonies près des sources
On discuta beaucoup sur les rapports savants Des fines de claires nées des eaux du Levant On gaussa et hua même les spéciales Confondant eaux douces et eaux abyssales
Chacun s'entendit enfin pour reconnaître Qu'il était temps et même bien temps peut-être De légiférer réglementer surveiller Pour qu'à maturité toutes soient iodées
On réfléchit longuement brassa des idées A s'agiter les valves de mots sablonneux Exercice rare chez les ostréidés Difficile coûteux ardu et dangereux
Puis le président muet posa sa mitre Injonction solennelle au silence d'huître Il pensa si fort entre ses valves vertes Que chacun compris la guerre réouverte Aux fauteurs de troubles salins des profondeurs Aux abuseurs des dessalaisons en douceur Le temps advenait d'une grande décision Convoquant à la responsabilisation Pour ne froisser personne on décida alors Fort sage et indiqué de ne rien décider Puis on recommanda de s'éloigner des bords Pour profiter au mieux des effets de marée
Chacune est repartie comme elle était venue Satisfaite des discours entretenus L'esprit tranquillisé du devoir accompli Silencieuse propulsive loin des poulpes Adhérant au mot d'ordre sur les valves inscrit "A chacun son bouillon à chacun sa soupe".