Un mot.
Dans le verbiage des lieux communs,
Au cœur des inepties modernes,
Quand les mots hébétés ne font qu'un
Lourd magma d'une pensée terne,
Une étincelle jaillit soudain,
Venue d'une brèche, parole
D'ouverture d'un discours mondain,
De l'esprit belle cabriole.
D'une bouche d'emphase, le vent
Laisse, sur des lèvres à baiser,
Un éclat de vie au feu du temps,
Comme un rot à l'air libre échappé.
Une perle luit de sa ronde
Fraîcheur de nacre sur peau ridée.
Bref fragment, lucide seconde
D'éternité déjà trop comptée.
Comme une larme à l’œil d'un crabe,
Ce diamant tombe sur la plage,
Arabesques, lettres arabes,
Aux fonds des flots, des mots,ravages.
Depuis très longtemps, nul n'écoute
Le tintement cristal de ces mots,
Qui sombrent, sans qu'aucun ne doute
Du sérieux de tous les verbes hauts.
Ils font d'un sable blond la haine
D'un tapis de silice verbal,
Sur quoi s'ancre la longue chaîne
Des mots vides, d'acier sidéral.
Collier ourdi de grains de sable,
Ruisseau de bouches aux langues bleues,
Dégoulinantes et affables,
Mots balivernes de gens heureux.
L'un d'eux, plus fougueux que les autres,
Sur des commissures de lèvres,
Pose, brille, se fait le nôtre,
Chacun devient alors orfèvre.
