C’est votre tout premier poème Et le sang vous glace en dedans La langue est prise entre deux dents Le cœur cogne et votre peau aime
Vous êtes blanc comme la feuille Vierge ainsi qu’un écran puceau Et viennent des mots par morceau Sur l’arbre que votre front cueille
Comment peut la tête les mettre Aussi bien que les mit Lorrain Jouant sur un riche terrain Où la fleur croît sans se commettre
Vous voulez être un vrai Verlaine Et louchent vos yeux sur Saint-Saëns Ou Gautier alors vos cinq sens Explorent mont vallée mer plaine Qui sont en vous depuis l’enfance Depuis que grands sont vos parents Aux fronts blancs presque transparents Captant la pensée sans défense
Le sujet l’adjectif le verbe L’éternel pronom personnel Le présent le conditionnel Vous lient les mots en une gerbe
A poser au pied d’une morte Qui gaiement vous prend dans ses bras Autrefois crotales cobras Sonnant et sifflant sous sa porte
Vous voici devenu poète Fier d’avoir réveillé la mort Qui avait pris Péguy Lahor Dont les vers ont rongé la tête Mais qui sont restés dans la vôtre Aussi bien faite que la leur Où déjà leur pousse une fleur Inclinée sous un patenôtre.