Assis sur le banc vert public devant Les eaux du Doubs qui sautent le barrage En même temps qu’une langue de vent Qui part en un éclair avant l’orage
J’entends une voix aiguë dans mon dos Puis sur ma joue en sortant d’une bouche Qui dit « puis-je m’asseoir face au cours d’eau ? » - Oui, madame, je ne suis pas farouche ;
Et malgré que le banc est assez long Pour accueillir plus qu’une entière fesse Je me desserre et je me dis allons Je sens qu’elle va passer à confesse.
Nous voici donc en place à chaque bout Du rustique siège où vide est son centre Qui attend que le promeneur debout Lui présente l’opposé de son ventre.
La voix s’est tue et un livre est en mains Que je vois en coin pendant que l’eau chute Maintenant et pendant des lendemains Sur les pierres sans qu’elle se rebute.
Les nuages sont gris, le ciel est bas La chaleur est assez insupportable Mais par bonheur, l’orage, au fond, là-bas Reste dans cet espace intransportable.
Eternelle est la contemplation D’une beauté forte offerte et sauvage Aux espèces de population Liées aux lourds boulets de l’esclavage.
Les yeux de la voix ont pris le relais Avec l’idée de lever la pensée Installée sans souci dans son palais Qui n’apprécie pas d’être dépensée
Pour un essai, un conte ou un roman Incapables d’égaler l’excellence D’un tableau du Maître qui sut comment Avoir sur toute œuvre la prévalence.
La voix s’est tue dès la tête tombée Pendant qu’il me plaît de voir jouer l’eau Qui sous un long vol d’oiseaux surplombée Montre son saut qui finit en rouleau.
La voix n’a rien dit, le corps s’est levé Et Alain, le philosophe émérite, Eût pu dire qu’il n’a pas enlevé L’insuffisance obérant le mérite.
Heureusement, la voix n’a pas parlé Pour me casser le profond des oreilles Et je ne veux rien entendre à part les Fracas des flots et les cris des corneilles
Mais la voix est bien au-dessous des yeux Qui dominent les soubresauts de gorge En s’emplissant des hauts sauts de ces lieux Qui ont – salauds – les voyous, tué George L’année passée ; l’ami a parcouru Sur ce même banc un livre à suspense Quand, il a – sans coup de départ - couru Vers l’effrayant barrage et j’y repense.