A force de cris et de désespoir du monde Est vite arrivé à son côté le malheur Qui le colle à sa gauche en délaissant sa droite Et notre ami d’une manière maladroite Cherche avec son bras libre où se tient le bonheur Qui se laisse bercer par la langueur d’une onde
Pas si loin d’ici en vaquant dans une mare Le dos étendu sur le fil ténu de l’eau Qui capte un éclat d’un soleil rouge-or-orange Jouant à cache-cache avec un arbre étrange Si long, si fin, si blanc semblable à ce bouleau Droit et dressé comme lié à une amarre.
Le malheur doute et flaire où est son adversaire Et serre sa proie plus fortement contre lui Sans la quitter d’un pas, d’un clou d’une semelle En maugréant qu’il hait le bon quand il se mêle D’apporter à la nuit la lumière qui luit Avec le matériel et tout le nécessaire.
La victime entendant le chant d’un bruant mâle, De la bécassine qui cause à un crapaud Et son bonheur plongeant sur l’ouïe d’une tanche Pendant qu’un triton jaune au ventre lisse étanche La soif qui sourd par tous les pores de sa peau, Déclenche – malgré elle - une pluie lacrymale,
Une tempête dans la tête épouvantable Surprenant le malheur qui fermant sa main tient Le bras gauche et surveille en jetant l’œil à droite Si l’autre membre de manière plus adroite Peut saisir le bonheur mais le malheur maintient Qu’une telle quête n’est rien que lamentable.
Alors, le prisonnier, fait éclater l’orage Après l’averse qui a détrempé ses yeux En perçant d’un éclair son geôlier et la foudre De sa puissance le réduit en fine poudre ; Averti, le bonheur, sorti, quitte les lieux Pour voir son camarade - hagard - en essorage.
Le funeste étant mort de la mort la plus belle, Le joyeux se place sans choisir un côté Vers l’être désaxé privé de sa boussole Et d’un parfum si fin dans la voix qui console, Forcé d’avoir marché avec ce mal coté Par le bonheur qui court quand une brebis bêle.