Grâce à Dieu qui m’a fait bien naître Je suis heureux de mon bien-être
Depuis le jour béni de mon entrée dans l’air J’ai collectionné la joie Dans des boîtes dorées nouées d’un ruban clair Où le satin lissait la soie
Et quand je désirais plaire à mes grands-parents J’ouvrais mon coffret de dentelle Et vivement les doigts plongeaient en s’emparant De ce qui était dedans : telle
Voilette ou écharpe et telle paire de gants Qu’ils avaient portés après-guerre Et souriaient « mais oui, nous étions élégants Même si tu ne le vois guère. »
Grâce à Dieu qui m’a fait bien naître Je suis heureux de mon bien-être
Dans mes écrins secrets, je conservais des pleurs Mouillant la photo de mon père Décédé entouré de gerbes bleues de fleurs Et du dos de ma pauvre mère
Heureuse désormais puisqu’elle était à Dieu Retournée avec son cher être Et même si elle ne m’a pas dit « Adieu » Je sais qu’elle a reçu les mots sacrés du prêtre.
De mes parents, j’ai peau, tête, âme, cœur et sang Des cris, des larmes et du rire Et quand je pense à eux, mes vieux dont je descends, Je voudrais dire et tant écrire.
Grâce à Dieu qui m’a fait bien naître Je suis heureux de mon bien-être
J’ai prié dans les cieux Celui que j’aimais tant Qui berça mon lit blanc d’enfance Et, en chantant, dans un champ charmant je m’étends Sûr qu’il assure ma défense
Car si je ne crains rien, (grâce à lui je suis né) L’animal est là qui me tente : « Laisse-toi donc aller, aux autres j’ai donné Tant de trésors ; viens sous ma tente. »
Mais, je ne suis pas fou ; le Sage au ciel m’est doux Et de peu de don il me prive ; Il m’a façonné fort, lucide et il m’aide où Là où je suis à la dérive.
Grâce à Dieu qui m’a fait bien naître Je suis heureux de mon bien-être
Je me dis quelquefois : pourquoi fus-tu choisi Alors qu’un autre se désole Et mon visage ainsi devient tout cramoisi Et, marri, au loin, je m’isole.
Mais, je me ressaisis puis très ragaillardi Je retourne à ma gaieté d’être En riant de Charlot, de Laurel et Hardy Les premiers à l’applaudimètre.
Aujourd’hui, le passé me tient bien une main Et laisse au destin aller l’autre Encline à saisir au long de mon bon chemin La tienne, la sienne, la vôtre
Que le bon Dieu a bien fait naître En ouvrant en grand sa fenêtre.