D’ordinaire, ces deux peupliers sont joyeux En dansant avec les feuilles de leur branchage, Si collés, si serrés qu’ils risquent l’accrochage Evité, grâce à Dieu, par leurs chatons soyeux.
Une saute de vent aide au rapprochement Du bassin guère moins fin que leur fine cime Et s’embrassant avec un bonheur rarissime, Ils s’inclinent, ravis, avec un hochement.
En désirant s’aimer, ils se sont éloignés De deux chênes rassis et d’un vieux congénère Arguant qu’un tel amour grandit et dégénère Quand lui-même a souffert et veut le témoigner.
Mais, c’est le plein été et la sève s’échange De feuille à feuille en nourrissant la frondaison Où s’est épanouie la jeune floraison Attendant, sagement, le temps de la vendange…
Insensiblement, bonds, élans, s’espaceront Sans que s’adoucisse leur face-à-face à thème Mais, leurs chants ne diront que des faibles « je t’aime » A mesure que les « durs » les agaceront.
Les voici infiltrés jusqu’au cœur de chez eux Et ont mordu, mangé, dévoré, ces voraces Leurs chairs et leurs bras - la fierté de leurs races - Ne purent retenir le nid des pies sans œufs.
« Tu vois, il ne nous reste rien à échanger ; On ne peut que faire du pied à nos racines ; Nous n’avons plus, pour nous soigner, les médecines Que nous fabriquions : nous avons bien changé…
Le père congénère avait sang froid raison D’avancer que s’aimer requiert toute la force De la prime jeunesse à la coriace écorce Qui tient le tronc de notre éphémère maison. »