Je la croisai avec une impression telle Que je me mis d’emblée à trembler : c’était elle ! Ses cheveux noirs de jais, son front lisse roux-blanc Donnaient à sa bouche rouge un effet troublant Et ses épaules sur de longs bras aux mains fines Etaient aussi rondes que celles des dauphines Aux rêves de reines attachées à des rois Repoussant l’intrigante et le ménage à trois ; La graisse de son ventre était dans son derrière Qui suivait tout son corps sans faire marche arrière. Elle me dit « bonsoir » ; je répondis « bonjoir » : Elle m’avait parlé ! Emu, je dus m’asseoir Sur le trottoir et son parfum d’amande douce Flottait et m’enivrait, moi l’homme-nain Tom-pouce Qui eut l’ineffable et grande joie d’être vu Par la femme qui est, sauf cruel imprévu Celle-là même qui caressera ma nuque Et malgré sa beauté mariera un eunuque Puisque j’ai décidé qu’elle m’appartiendra ; Je reste encore assis, bientôt elle tiendra Ma main, j’en suis certain ; je sais que Seine et Rhône Ont un destin commun tout comme la Garonne Mais qu’ils embrasseront (car ils l’ont bien voulu) La mer qui leur convient, qui leur est dévolu. C’est donc elle ; je me porte à pas lents vers elle Qui m’écarte en grognant : « vous faites trop de zèle. Je vous ai souhaité le bonsoir : c’est assez Et si la mer me plaît, je hais les crustacés. » (Quel idée déplacée rapportée à ma taille : Même un cul-de-jatte peut combler une entaille… M’avait-elle entendu réfléchir avec force Sur les fleuves qui vont nus sans besoin d’écorce S’acoquiner avec des mers, des océans Eux qui naquirent nains pour devenir géants ? Qu’importe sa pensée, elle ira où j’habite Et je lui montrerai la grosseur de mon cœur) - Faites vite le choix, je le vois, maintenant Que vous voulez de moi ; voyez ma main tenant Ce mouchoir séchant la bave de votre bouche Qui pourrait inonder les draps de notre couche.